Il y a quelques mois, j’ai été sollicité par une entreprise confrontée à un conflit persistant entre deux chefs de projet. Malgré plusieurs tentatives de médiation interne, la tension ne retombait pas. Lors de notre premier entretien, l’un d’eux me lance : « On m’a demandé d’être plus diplomate, mais je ne suis pas là pour faire de la psychologie ! » Cette phrase m’a marqué. Elle dit beaucoup du malaise qui entoure encore la gestion des conflits en entreprise.
Les conflits : symptômes d’un dysfonctionnement relationnel
Une réalité fréquente mais mal abordée
Dans les faits, les conflits font partie intégrante de la vie d’une organisation. Divergences d’intérêts, différences de styles de management, frustrations non exprimées : autant de sources de tensions qui, mal gérées, grippent la dynamique collective.
Ce que j’observe souvent sur le terrain, c’est que les managers ne sont ni formés ni outillés pour y faire face. Résultat : on évite, on minimise, on laisse pourrir. Et c’est là que la situation devient réellement problématique.
Le rôle stratégique des RH
Pour les professionnels RH, le conflit ne doit pas être vu comme un échec, mais comme un indicateur précieux. Encore faut-il savoir l’analyser et en faire une opportunité de clarification. C’est dans ce contexte que la Communication Non Violente (CNV) propose une grille de lecture efficace et accessible.
La méthode FRBD : un outil pour sortir des tensions
Décomposer la communication en quatre étapes clés
Inspirée des travaux de Marshall Rosenberg, la méthode FRBD repose sur une structure simple et puissante :
- Faits : Ce que j’observe objectivement, sans jugement.
- Ressentis : Ce que je ressens face à cette situation.
- Besoins : Ce que cela dit de mes besoins non satisfaits.
- Demandes : Ce que je formule comme demande concrète et réalisable.
Un exemple concret
Prenons une situation typique : une collaboratrice reçoit des mails en copie tard le soir. Elle finit par se sentir envahie. Plutôt que d’accuser :
« Tu abuses, tu m’envoies des mails à n’importe quelle heure, tu ne respectes pas ma vie perso ! »,
elle peut dire :
« J’ai remarqué que tu m’as envoyé plusieurs mails après 22h cette semaine (fait). Je me suis sentie envahie (ressenti). J’ai besoin de préserver un vrai temps de déconnexion (besoin). Peux-tu m’en parler avant si un sujet urgent nécessite une réponse immédiate en dehors des horaires (demande) ? »
C’est clair, structuré, et ça ouvre à un dialogue plutôt qu’à un affrontement.
Former les managers à gérer les conflits autrement
Vers une culture de la régulation
La régulation ne doit pas être l’apanage des services RH. Former les managers à cette méthode leur permet de prendre en charge les tensions à leur niveau, avant qu’elles n’escaladent. Et ça change tout.
Dans les formations que j’anime avec ACANT, je vois combien cette approche fait tomber la pression. Elle dédramatise. Elle donne des repères. Elle permet aussi d’aborder les émotions sans tomber dans l’informel ou l’implicite.
Des bénéfices concrets pour l’organisation
Les effets d’un changement de posture sont visibles rapidement : baisse du turnover, amélioration du climat social, renforcement de la confiance entre les équipes. Plus encore : la méthode FRBD devient un langage commun qui favorise la collaboration et la responsabilisation.
Conclusion : Faire des conflits un levier de transformation
Gérer les conflits ne devrait plus être perçu comme une compétence « douce », mais comme une compétence stratégique. Pour les responsables formation et les professionnels RH, intégrer la CNV et la méthode FRBD dans les dispositifs de formation, c’est équiper les managers d’un véritable savoir-faire relationnel.
Et si, au lieu de craindre les conflits, on apprenait à les traverser pour mieux évoluer ensemble ?